Impasse. Jaime Hopkins était dans une impasse qui lui paraissait alors insurmontable. On lui avait fait une commande en début de semaine, une affiche pour la fête de l'été bientôt prévu à Burlington, commandé par la ville elle_même. Un exercice dont il avait l'habitude, qui semblait être un exercice de routine. Or, il était coincé, devant cette affiche qui n'avait pas de forme, ni de couleur, ni concept. Rien. Le néant, le vide complet. Pas la moindre foutue idée valable et validable. Il avait épuisé des blocs de feuilles à griffonnés un semblant d'accroche, une mise en page innovatrice et marquant et tout avait fini en boule, dans la corbeille ou éparpillé aux quatre coins de l'agence.

Une semaine longue et lourde avait pesé sur l'agence où était actuellement employé Jaime Hopkins. Une agence à subir ses sautes d'humeur et son agressivité, non ménagé par le mur qui se dressait devant lui. La situation s'empirait quand on essayait de lui rappeler que « Oh, tu es le meilleur graphiste disponible ! » et autres « Tes affiches sont toujours d'une force particulière ! » Et là, il était incapable de fournir la moindre chose. Même la plus basique et la plus attendue.

Une affreuse semaine à se ronger les ongles, tourner en rond, renvoyer sa secrétaire et s'obstiner à commander de nouvelles feuilles de couleurs. Jaime était dans un tel état de mal et de vide qu'il en avait presque oublié Roxanne Winchester.
Il avait déjà prévu l'invitation de la jeune fille à l'agence depuis un moment, lui promettant de peindre avec elle et d'être une source de réconfort. Il avait pris en affection presque à l'instant où il l'avait vu cette jeune fille d'apparence si fragile à l’hôpital. Il savait qu'elle avait nombreuses allergies et maladresse, avait briefé la secrétaire qu'il houspillait depuis une semaine sur les précautions à prendre, fait nettoyer l'agence et s'était arrêté de fumer… jusqu'à aujourd'hui.

Campé contre la fenêtre devant son bureau, la porte à moitié ouverte, il fixait les feuilles de couleurs et les essaye de couleur, une Lucky Strike se consumant entre ses doigts. Il avait oublié Roxanne Winchester. Résolument.

« - Monsieur Hopkins, elle est arrivée. » avait aimablement lancé la secrétaire en passant la tête par l’entrebâillement de la porte. Il avait froncé les sourcils, levé les yeux vers la porte en éjectant la cendre par la fenêtre. « Quoi ? J'ai demandé personne, Julie. »

« Winch… Oh ! » Oui, Oh mon dieu Roxanne ! Jaime se figea sur place, dévisagea la secrétaire qui attendait patiemment, craignant le courroux parfois un peu brusque de son boss. Un sourire aimable, mais prévoyant, elle s'écarta un peu de la porte, alors qu'il débarqua, comme une furie, la cigarette au bec. Oui, Roxanne. Il avait oublié Roxanne. Il se retint d'enguirlander la dites Julie de ne pas l'avoir prévenue puisqu'elle avait dû probablement le faire tout les jours derniers.

Il reprit subitement conscience qu'il avait laissé son bureau en vrac, s'était remis à fumer et n'avait pas passé l'aspirateur sous le bureau. « Merci, Julie, c'est bon… hm... » Il agita sa cigarette, l'écrasa d'un coup et revient vers Roxanne en tendant une main vers elle. « Tout va bien ? Tu as une petite mine ma belle... » Il lui releva le visage un instant, inspectant son visage ou une cerne éventuelle. Lui, d'ordinaire si maniaque, l'invita dans son bureau qui avait l'air d'avoir subi un champ de bataille. Il écarte les feuilles du pied, laisse un passage derrière lui pour qu'elle puisse passer sans encombre. Pour une fois, Jaime ne semblait pas soigneux avec ses prémices de maquettes. « Désolé, je dois me charger des affiches pour la fête de l'Eté… Je sèche. »

Jaime séchait, il grimaça, le simple fait de le reconnaître lui écorchant les lèvres. Il ne supportait pas l'échec, ne pas avancer, pédaler dans le vide et en arrière. On mettait en lui de tel espoir que, sa confiance pourtant grande, arrivait à vaciller. Il se rongea les ongles en regardant un prémisse d'affiche et ferma la fenêtre, craignant que la demoiselle n'attrape froid. « Au fait, j'ai lu ton dernier article sur la famille... » Il s'assit sur le bord du bureau, un sourire désolé aux lèvres. Il n'en dit pas plus, ne sachant si elle attendait un retour ou un partage éventuel.