Il faisait froid en ce début de septembre. Vent glacial et compagnie. D’un côté c’était plus pratique pour les entraînements, qui en devenaient un peu moins lourds, mais d’un autre côté je préférais l’été, c’était indéniable. Enfin en théorie nous étions toujours en été jusqu’au vingt-et-un septembre, mais mère Nature en avait décidé autrement.

J’avais passé ces derniers jours à la base, je n’étais pas passée en ville une seule fois. J’avais rarement arrêté de m’entraîner : les heures où on n’avait pas d’entraînement organisé, je venais seule à la salle de musculation pour me muscler tout et n’importe quoi. Les bras surtout parce que c’était mon gros défaut, mais j’étais courbaturée à des endroits dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Pourquoi je ne m’arrêtais plus ? Parce que j’avais eu une période d’arrêt suite à mon petit accident. Je m’étais pris les pieds dans du barbelé, pour ceux qui ne le savaient pas encore, ce qui avait laissé des écorchures rouges – certaines plus profondes que d’autres – sur tout mon corps. Heureusement ma peau l’avait relativement bien pris, et on ne voyait plus que les griffes les plus profondes, maintenant. Une sur l’épaule, une autre sur le ventre, deux sur les jambes. J’avais déjà bien meilleure mine qu’il y a deux semaines, ce qui était plutôt pas mal. Je m’en remettrais.

Déterminée, je m’acharnais sur un appareil pour abdominaux. Mes muscles commençaient à brûler parce que ça devait bien faire une heure que je m’étais enfermée dans la salle, mais je préférais ignorer ce sentiment. Il fallait oser souffrir de temps en temps pour parvenir à ses fins. J’étais seule dans la salle vu que pendant le week-end, les gens préféraient quitter la base pour aller s’amuser. En plus de ça, il était vingt-et-une heures et quelques, il faisait presque entièrement noir et le peu de gens qui restaient à la base ne semblaient visiblement pas motivés à s’entraîner. Tout à coup, j’entendis la porte de la salle s’ouvrir et je tournai vivement la tête vers la personne qui entra. Enfin un peu de compagnie, peut-être ?  

 

C’était le caporal. Le caporal, ou l’homme qui m’avait fait craquer la première fois où je l’avais vu. Qui me faisait craquer à chaque fois que je le voyais. Inutile de vous dire que ses yeux bleus ne me laissaient pas indifférente, ni tout le reste d’ailleurs. Je n’avais jamais eu l’occasion de lui parler parce qu’il avait un grade plus élevé que le mien et que généralement on ne se mélangeait pas trop entre grades, mais cette fois, j’allais devoir assurer. Surtout ne pas passer pour une imbécile. Je me levai lentement, grimaçant en sentant mon corps protester. Je m’approchai du tapis de course sur lequel le caporal s’était hissé et je souris en répondant :

« Vous avez tellement raison. J’en peux plus. » Je ris doucement et lâchai mes cheveux pour finalement les rattacher dans une queue de cheval plus soignée. « Je pensais être la seule folle à m’entraîner ce soir, mais visiblement c’est pas le cas. » Il était absolument craquant. Oui, je me répète, mais vous savez très bien que généralement je ne suis pas le genre de filles qui tombe raide dingue de tous les mecs qu’elle croise. Mais celui-là, c’est sûr qu’il avait ce petit truc en plus. Il était sportif, pas trop grand – parce qu’avec ma petite taille, voilà… – et puis il avait un sourire à tomber par terre. En m’appuyant contre le tapis de course à côté du sien, je me mis à l’observer sans vraiment y réfléchir. Quelques instants plus tard, je secouai la tête, gênée, et lui dis : « Euh… désolée, je vais vous laisser. A… à bientôt ! » Sans oser le regarder dans les yeux, je tournai les talons pour me diriger vers la sortie. Bon… pour la discrétion, on repasserait !
   

Je ris doucement lorsqu’il me parla de jolies filles. Je ne savais pas si j’en faisais partie, mais son côté dragueur était plutôt mignon en tout cas. Sûrement un peu lourd à la longue, mais ça faisait à peine quelques secondes que je lui parlais alors je ne pouvais pas juger pour le moment. Je n’eus pas le temps d’en placer une, qu’il se mit à me parler des étirements que je n’avais pas faits. C’est alors que je remarquai sa main dans la mienne et je baissai mon regard vers celle-ci, un léger sourire timide aux lèvres. C’était un contact innocent qui ne voulait rien dire, mais il me plaisait énormément. En posant mon regard sur son visage, je lui répondis en souriant :

« Je sais comment faire des étirements, merci. » Je dégageai ma main, malicieusement. Ce genre de petits jeux m’amusaient, et je ne comptais pas succomber aussi facilement. Il me faisait un effet de dingue mais très peu pour moi l’idée de le lui avouer tout de suite. « Je suis à l’armée depuis assez longtemps pour savoir comment on s’étire, et puis de toute façon je comptais faire ça seule dans ma chambre. » Sans regards indiscrets posés sur moi, ajoutai-je dans ma tête. Lorsqu’il s’essuya le front avec son t-shirt, mon regard dévia vers ses abdos parfaitement formés, sans que je ne puisse m’en empêcher. Pourtant, je détournai le regard assez rapidement, pour ne pas qu’il s’en aperçoive. Il enchaîna en me disant de bien boire et j’eus un rire léger en l’écoutant parler. Soit il était vraiment très attentionné, soit il me voulait dans son lit. Sa proposition était très intéressante, il fallait le dire, mais je préférai le taquiner un peu plus encore. Un sourire malicieux et un peu charmeur aux lèvres, je lui répondis : « Des séances de quoi ? D’étirements en buvant de l’eau ? » Après un petit éclat de rire, je me retournai en lui lançant : « Laisse-moi prendre une douche, je suis pas présentable comme ça. Si t’es toujours là quand je reviendrai, on en reparlera. » J’avais un petit air provocateur, taquin, joueur. La façon dont il m’avait retenue m’avait redonné confiance en moi, et je comptais bien en profiter un peu ! D’un pas assuré, je me dirigeai vers les vestiaires et les douches, ne pensant qu’à une chose. Lucas. Ce qui était drôle, c’était que je connaissais son nom mais qu’il ne connaissait absolument pas le mien. Cette idée m’arracha un sourire amusé alors que je me mis à enlever mon haut après avoir fermé la porte des vestiaires.