Ce soir, dans la salle de réception située dans la base, un bal avait été organisé en la mémoire des défunts soldats. En tant que fille de militaire, je me devais de me rendre à cette soirée. Après tout, chaque fois que mon père partait en mission, je pouvais me retrouver à la place de ses familles. Pour le moment, nous avons une bonne étoile au-dessus de nos têtes dans la famille Hopkins et j’espère que cela durera.

Pour l’occasion, je m’étais vêtue d’une robe couleur rouge sang à dos nu au décolleté légèrement plongeant, fendue sur le côté gauche de la jambe tout en moulant ma taille. Ma chevelure dorée, quant à elle, était relâchée et légèrement bouclée, retombant sur mes épaules dénudées et un léger maquillage faisant ressortir mes yeux émeraude et mes lèvres doucement rougeâtres dues au rouge à lèvres. A mes pieds, j’ai bien entendu mis une paire d’escarpins assortie à la robe.

21h30 sonne. Il fut l’heure pour moi de me rendre à cette soirée. J’embarquai ma pochette noire dans laquelle se trouve mon portable, mes clés et mon portefeuille afin de pouvoir participer à l’œuvre de charité pour ses familles. Pour ne pas attraper froid, j’embarquai mon long manteau noir que j’enfilai sur mes épaules.

Une fois prête et après un dernier passage devant le miroir, je partis de chez moi afin de me rendre au bâtiment principal dans lequel se trouve le bal. Vivant sur la base, je pouvais très facilement m’y rendre à pied, cela ne me pris au final qu’une petite dizaine de minutes.

Arrivée à l’entrée, je saluai les deux agents d’accueil ainsi que les deux militaires dont je connaissais. Vivant sur la base et ayant un père militaire, il serait bien mal que je ne les connaisse pas. Je discutai pendant deux-trois minutes avec le plus âgé d’entre eux, me demandant des nouvelles de mon père, en mission à l’heure actuelle ainsi que ce qu’on devenait mes frères et moi. Vu la distance que je mettais entre Kyle et moi depuis son retour, Spencer dont je croyais toujours dans une autre ville et le petit dernier que je n’arrête jamais d’aller chercher dans le bureau du proviseur de son lycée, autant dire que j’avais préféré écourter cette discussion.

Finalement, je finis par entrer dans la salle de réception, une salle vraiment chaleureuse et très classe à la fois. Sur les murs, j’admirais les portraits de ses soldats morts au combat. Une boule se forma dans le creux de mon estomac causé par l’angoisse qu’un jour, celui de mon père se retrouve parmi eux. J’arrive devant deux hôtesses qui s’occupaient de prendre les manteaux des invités. Je leur confiai donc mon manteau avant de continuer d’admirer les lieux.

Je passai la partie « jeux », dont je comptais bien m’arrêter en cours de soirée pour miser quelques petites sommes aux jeux de la roulette, blackjack, poker ou encore à ses impitoyables machines à sous, afin d’arriver à la partie où se trouvent les nombreuses tables et la salle de danse. Etant venue seule, je finis par m’attabler à une petite table vide. La salle était déjà un peu remplie, quelques personnes avaient pris place aux tables de jeux tandis que d’autres bavardaient autour d’un verre ou encore en train de se mouver sur la piste au rythme de l’orchestre.

Avec un dernier regard dans le miroir de son armoire, les lèvres de la jeune femme s’écarquillèrent dans un sourire de satisfaction. Ce soir, Eliana s’était mis sur son trente-et-un. Non pas qu’elle avait un rendez-vous galant – ce qui ne l’aurait pas déplu. Une semaine plus tôt, elle avait eu la joie de trouver dans sa boite aux lettres un carton d’invitation à un bal organisé en l’honneur des soldats disparus ou blessés pendant leur service. Bien qu’elle ne connût personne dans ce milieu, elle estimait qu’il était important de se rendre à ce bal de charité. Ces hommes et ces femmes avaient donné leur vie à une cause qui la dépassait et, même si pour elle un bal n’était qu’une des innombrables façons d’être hypocrite – faire une fête pour des morts… Où est la logique ? – elle ne désirait offenser personne. Et puis, l’idée de boissons gratuites était une excellente motivation !

Habillée d’une robe longue en mousseline rose pâle, ajustée à l’aide d’un laçage dans son dos, épaules dénudées, décolleté ni trop plongeant, ni trop serré, Eliana termina de coiffer sa longue chevelure. Bien qu’indisciplinés de nature, elle était parvenue à réaliser un chignon décoiffé de ses cheveux blonds. Etant bouclés, sa coiffure ne faisait pas trop classique comparé à sa tenue sophistiquée. Elle se trouvait jolie, avec ce fard rosé-brun sur les paupières, ce trait délicatement noir qui faisait ressortir ses yeux kaki et ce joli rose dragée qui sublimait ses lèvres. D’un écrin, elle sortit une parure en pierres d’améthystes rose dont elle se parât. Escarpins d’un cuir noir tanné enfilés, la jeune femme enfila son long cardigan noir tout en se dirigeant vers la porte d’entrée dont elle referma avec soin derrière elle.

La blondinette connaissait le camp comme sa poche – ou presque puisque Roxy habitait ici. Même si les personnes mortes en mission lui étaient inconnues et la laissait de marbre, Eliana espérait qu’il n’arriverait rien à la famille de son amie. Elle ne les avait vu qu’en coup de vent mais elle connaissait très bien ce sentiment de perte qu’occasionnait la perte d’un parent.

La salle de réception avait été transformée : elle était méconnaissable. D’habitude si terne, elle se parait de rouge et de blanc ce qui procurait à l’espace un sentiment de chaleur. Cardigan laissé au personnel, pochette en main et zone de jeux passée, Eliana se mélangea avec le reste des convives. Ses pas la guidèrent par hasard à une table ronde où était disposé des coupes de champagne. En buvant un d’une traite, elle prit dans ses mains deux coupes de champagne. Eliana venait de repérer Roxy. La jeune femme était méconnaissable : parée d’une somptueuse robe rouge, cheveux bouclés, elle était accoudée à une table, absorbée dans ses pensées. Un sourire malicieux sur ses lèvres, Eli la rejoignit.

« Alors, tu es venue seule ? » murmura Eliana dans l’oreille de son amie, la prenant par surprise. Sans attendre de réponse, la blondinette contourna la table, pour prendre place à une chaise vide aux côtés de Roxy. « C’est pour toi ! » dit-elle tout en déposant une coupe face à son amie. Elle but une gorgée de son champagne avant de s’éclaircir la voix : « Tu es arrivée il y a longtemps ? »