family portrait

Ce soir, j’étais de sortie. Hors de question de rester seule chez moi. Et puis, j’avais convenu avec Apolline que l’on se retrouve au Nectar’s pour boire un verre au son du concert du soir. Nous étions vendredi soir et ce soir, c’était un concert de chansons d’un tribut band de U2, le célèbre groupe irlandais. Je n’étais pas spécialement fan mais il y avait quelques chansons que j’aimais bien. Et puis, j’avais quelques origines irlandaises par ma famille alors je trouvais que c’était un bon retour aux sources. Et quoi de mieux que de faire cela avec Apolline, la fille de mon oncle artiste. Nous n’étions pas très stables dans la famille, enfin, surtout pour ce qui était de mon oncle et de mon père. Le premier parcourait les Etats-Unis pour faire ses spectacles et le deuxième avait parcouru le monde pour protéger son pays. Des deux, il ne restait plus que mon oncle, mon père étant décédé dans l’anonymat le plus complet, complètement oublié par le pays qu’il avait pourtant protégé. Et pourtant, cela ne m’avait pas empêché de m’enrôler également dans l’armée quand je fus en âge de le faire. Mais ce soir, je comptais simplement profiter d’un concert autour d’une bonne bière en rattrapant le temps perdu avec ma cousine.

Après avoir pris une douche, je mis un pantalon noir avec une chemisette blanche. Chic mais pas trop non plus, j’allais simplement au bar et pas à un rendez-vous galant. Et oui, malgré mon âge, j’étais toujours célibataire. Ce n’était pas faute de trouver mais disons que les hommes avaient tendances à prendre la fuite quand je leur disais être militaire. Certains hommes sont restés très primaires dans leur façon de voir une femme et j’avais tendance à tomber sur des machos… Il n’y avait bien que le frère de ma meilleure amie qui n’était pas macho mais il me détestait toujours pour avoir agi comme une peste envers sa sœur entre mes huit et treize ans. Ce que je pouvais parfaitement concevoir. Et manque de bol pour moi, j’avais fini par tomber amoureuse de lui… Une raison de plus qui faisait que je n’arrivais pas à me mettre avec un autre homme. Une fois au bar, je pris place à une petite table dans un coin. Un serveur vint me voir pour prendre ma commande mais je préférais attendre ma cousine avant de commander. Cette dernière ne devrait d’ailleurs pas tarder, j’étais arrivé un petit peu en avance il fallait dire.

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Même si nous étions différentes, Apolline et moi nous ressemblions. Après tout, nous avions fait vœu de protéger ce pays quoi qu’il advienne. Elle était profiler pour la police de la ville alors que j’étais premier lieutenant dans l’armée. Il était assez étonnant de voir les chemins que nous avions pris quand on voyait nos situations familiales. Tout aurait pu la prédestiner à une vie sur les routes comme son père alors que personne ne me voyait entrer dans l’armée. Des routes bien différentes c’étaient ouvertes à nous. Je n’avais que peu de souvenirs d’Apolline et moi enfant. Déjà parce que mon oncle était sur les routes quasiment toute l’année. Et puis, mon père s’était révélé être un alcoolique violent après être revenu d’une mission où il perdit une jambe. Ce qui, je dois l’admettre, n’aide pas les gens à venir vers vous.

Tout en attendant ma cousine, je regardais les musiciens régler les instruments. J’aurais aimé savoir jouer d’un instrument comme ma mère. Elle avait longtemps voulu me faire prendre des cours de piano mais avec mon père, ce n’était jamais évident, surtout après avoir dû déménager à cause de lui. Reportant mon regard sur la porte, je vis qu’Apolline venait d’entrer dans le bar. J’allais lui faire un signe du bras quand elle commença à s’avancer vers moi. Je me levais pour la saluer, le sourire aux lèvres. « Hey, salut. Comment ça va? » Je savais que le métier d’Apolline pouvait se révéler fatiguant et pour le moins barbare. Après tout, elle aidait sur des affaires de meurtres et ce n’est jamais très agréable… Le barman s’approcha de nous pour prendre notre commande. Pour ma part, je commandais une bière. Je n’étais pas en service et il n’y avait aucun risque pour que je reparte en mission demain alors je pouvais me permettre une petite folie. « Pas trop dur ta semaine? »

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Rares étaient les personnes à réellement savoir ce qu’il se passait chez moi à l’époque où mon père était encore vivant. Mais même en essayant de cacher les choses, je savais qu’Apolline devait se douter de quelque chose à l’époque. Après tout, il y a des signes qui ne trompent pas et avec les études de psychologie qu’elle a fait pour devenir profiler, je suis persuadé que depuis, elle a compris ce que ma mère et moi avions vécu. Mais nous n’en avions jamais parlé depuis que nous nous étions retrouvés. Je ne savais pas comment je réagirais si jamais Apolline venait à me dire qu’elle savait ce que j’avais vécu. Je le vivais encore assez mal, je réagissais parfois assez violemment quand je voyais des bagarres dans la rue. D’ailleurs, en parlant d’Apolline, elle me rejoignit à la table. « Eh bien, ça va super. » J’étais contente de pouvoir décompresser de la semaine que j’avais eue même si je n’avais pas eu à partir en mission. Après tout, je ne serais pas là si j’étais partie. Mais je n’étais fatiguée que sur le plan physique avec les entrainements que j’avais quotidiennement alors qu’Apolline travaillait plus avec son cerveau donc elle devait être bien fatiguée psychologiquement. Après tout, elle voyait des choses pas faciles dans son métier. On commanda la même chose avant que je ne lui demande comment s’était passé sa semaine. Je souris à ce qu’elle me répondit. « J’imagine que ça doit être bien de ne pas avoir d’affaire même si taper un rapport peut se révéler être très ennuyeux… » Et je savais de quoi je parlais. J’avais également des rapports à rendre à mon supérieur vis-à-vis de l’intervention que mon équipe faisait. Surtout quand il y avait un blessé ou pire, un mort, comme lors de ma précédente mission. « Elle s’est bien passé. Entrainements à gogo que ce soit à la fois sur le plan physique que sur le stand de tir donc un peu fatigante également. Et puis, il y a eu aussi les débriefings de la précédente mission qui étaient parfois bien ennuyeux. Mais étant donné qu’un soldat y a trouvé la mort, il faut bien passer par là pour comprendre les erreurs et ne pas les reproduire. »

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Je n’aimais pas spécialement parlé du passé. Je trouvais que cela n’avait aucun intérêt car on ne peut jamais changer ce qu’il s’est passé alors à quoi bon en reparler. Mais certains soirs, je ressentais parfois le besoin de parler et je savais toujours qui appeler: ma mère. Certaines fois, j’appelais ma meilleure amie mais je ne voulais pas embêter les gens autour de moi. Et pour ce qui était d’Apolline, nous n’en avions jamais parlé et je ne voulais donc pas m’imposer dans sa vie en lui parlant de mon père. Peut-être qu’un jour nous serons assez proche et je lui parlerais de ce que j’avais vécu. En tout cas, je discutais calmement avec ma cousine, parlant de nos métiers respectifs et de notre semaine bien calme. Je fus à moitié étonnée de l’entendre me dire qu’elle préférait de loin parler à un meurtrier que de faire de la paperasse. Mais il fallait voir aussi la paperasse comme quelque chose de positif. Cela permettait de décompresser d’un interrogatoire difficile. C’était pratiquement la même chose pour moi sauf que mes rapports étaient généralement fait quand une opération c’était mal déroulée. Je hochais la tête en souriant quand elle ajouta qu’elle adorait l’action. Cela ne m’étonnait qu’à moitié. Nous étions cousines et pour le moins semblables à bien y regarder. Nous aimions l’action toutes les deux. Après tout, nous n’aurions pas choisi les métiers que nous faisions actuellement. Je finis par hausser les épaules quand elle me parla de l’homme que j’avais perdu pendant ma précédente mission. « C’est difficile, c’est sûr. On pense à la famille et à la notre. On se demande comment réagirait nos proches si on venait à disparaître. » Et tout cas, je me mettais souvent à la place des victimes. Je me demandais ce qui se passerait si je venais à disparaître en mission. Je savais que ce serait un coup dur pour ma mère, qui avait déjà perdu son mari à cause de l’armée même s’il n’était pas mort en opération. Heureusement, le serveur arriva au même moment avec nos commandes et je trinquais avec Apolline, le sourire aux lèvres. « A la tienne. » Je bus une gorgée de ma bière avant de pousser un soupir de plaisir. Elle était bien fraiche, c’était réellement agréable de boire frais quand on voyait les températures extérieures. Je reposais mon verre en souriant. « Et dis-moi, les amours, comment ça va? »