Comme si, de surprise, on l'avait posé devant un animal sauvage, entre force brute et peur farouche. ▬ Burlington Lifestyle
S'il y a bien une chose que Jaime Hopkins aimait en été, c'était les festivals. Non qu'il y allait et qu'au fond, il n'en avait pas vraiment le temps, mais c'était son gagne-pain principal de la saison. Et la meilleure occupation qu'il s'était trouvé. Il n'était pas ce genre de type à traîner en short sur les stations balnéaires, à mater des bikinis de vingt ans ses cadettes ni à se tartiner le nez de crème solaire pour ressembler à un pain d'épice à la fin de l'été. Jaime Hopkins était un citadin et un bosseur. Si la plupart de commande se passait au début du printemps, beaucoup arrivait encore au cours de l'été, pour des conventions de dernière minutes ou pour prévoir celle de septembre.
Parmi toutes les commandes reçues, entre brocante géante et vente caritative qui l'inspirait qu'assez peu, une, une sans prétention retint tout particulièrement son attention. Une note assez brève, sincère et honnête qui lui demandait de bien vouloir se pencher sur un rassemblement de motard qui se tiendrait à la fin de l'été. C'était le genre de commande qu'il ne voyait qu'assez peu, qu'on ne lui demandait pas souvent. Trop souvent épinglé à la l'élégance New Yorkaise ou à sa grande réputation de Directeur Artistique pour campagne de mode, les clients ne pensaient pas à mettre ses habitudes en danger, mais cette fois, sans prétention, avec une rudesse touchante, on lui demandait de bien vouloir se charger de la campagne publicitaire d'un rassemblement de motard.
Jaime n'avait pas hésité, confirmé qu'il prenait en charge la campagne. Il lui fallait juste une idée, une idée un peu dingue. Une idée qui sortirait de l'ordinaire. Un truc de bonhomme. Elle était venue, net, simple, folle. Il lui manquait juste la bonne personne, du bon milieu.
Un motard, un gars du coin. Un type qui aurait les compétences et la gueule de l’emploi. Il n'en connaissait qu'un de nom et de réputation. À vrai dire, il en avait juste entendu parler au détour de bar, il lui semblait l'avoir croisé probablement dans la rue, ou en bécane. Le genre de type que Jaime ne fréquentait pas. Dans son monde où on porte du prada, il n'était quasiment jamais en face à face avec un blouson de cuir, bien moins pour le boulot. Pourtant, il vint à sa rencontre, en pied d'égalité et fidèle à lui-même.
C'est comme ça, qu'un après-midi de juillet, Jaime Hopkins entra dans le salon d'Erik Gunnar. Il se posa un instant la question de savoir de quelle origine il pouvait être et au final, se rappela que ça l'importait peu. Ça ne changerait rien à son avis, ni au boulot ni à sa décision. Il resta un instant dehors à observer le logo du magasin et se força de ne rien en penser. À l'intérieur, derrière le comptoir se tenait un ours. Au-delà de la pilosité massive de l'ours, il en avait la carrure. Des épaules énormes et des cicatrices de bataille contre des loups sur ce que laissait entrevoir sa peau. Jaime n'avait jamais eu à rougir de sa carrure, il n'avait jamais été petit, ni maigrichon, l'âge faisait qu'il avait pris du poids modérément, mais il n'avait d'armoire à glace que l'allure. L'ours du comptoir en avait les muscles. L'ours était avec deux hommes pourtant des blousons de cuir alors qu'à l'extérieur, le soleil faisait cuir la moindre chemise en coton. Le graphiste regarda un instant la manche de son costume prada et haussa les épaules. Il n'avait pas la même allure, il avait des airs de play-boy, de minet prêt à draguer les ménagères, en face de lui un ours et deux pumas. Il n'était pas question de combat, ni de poids. Sans honte, il s'éclaircit la voix et se positionna près des deux pumas et clapota ses mains presque trop propre comparé à celle des trois prédateurs.
« Bonjour, Erik Gunnar, c'est vous ? »
Jaime observa l'ours avec politesse, mêlé à une sorte de fascination devant cet homme qui avait quelque chose d'animal. Comme si, de surprise, on l'avait posé devant un animal sauvage, entre force brute et peur farouche. Il glissa une carte de visite de sa poche à la minutie parfaite où celle les maniaques de la mise en page et les graphistes peuvent jubiler sur un grammage de papier particulier et la finesse des reliefs de la typographie. Peu de personne, sauf peut-être un tatoueur. « Jaime Hopkins. » se contenta-t-il d'ajouter avec que son métier figurait sur la carte.
La mort de Francis avait vraiment crée un sacré remue ménage dans le coin, et deux de mes gars de confiance étaient venus me donner leur rapport quand à leurs recherches sur les possibles raisons de cet acte ainsi que sur les autres gars du groupe. Jusque là, et à notre grand soulagement commun, tout semblait être en ordre et l'orage pouvait donc passer pour ramener, à sa place, un peu de soleil. C'était donc cette notion que je transmettais aux gars avant de voir arriver un p'tit gars en costard. J'avoue que c'était pas commun, de voir un gars en costard réclamer un tatouage. Bah.. commun ou non, un client reste un client. L'un de mes gars ne pu cependant, devant son "doigté", retenir un légère blague.
"Alors quoi, mon gars, on viens se faire dessiner le portrait de sa môman ?"
Ce n'est qu'après avoir souri, pris et vu le contenu de sa carte que je fis signe à mes deux gars de libérer le plancher. Un graphiste. Celui-ci serait visiblement un client potentiel. Autre surprise : Hopkins. Une affaire de famille ou une demande de travail ? Bah, Jaime... ce nom ne m'est pas totalement inconnu, il est sans aucun doutes tombé un jour autour d'une bière avec le vieil Hopkins mais si je n'en ai pas plus entendu parler, c'est sans doutes qu'il n'était pas très lié au reste de la famille. Faudra que j'aille rendre visite au vieillard, un de ces jours, d'ailleurs.
-C'est moi, Erik Gunnar. En quoi puis-je vous être utile ? Pardonnez l'autre imbécile, il à parfois du mal à tenir sa langue, mais c'est un ami de confiance. Il faut ceci dit avouer que vous sortez un peu du décor habituel ici. Enfin... le coup de portrait n'est qu'à moitié une blague, je dois dire. Un jour un gars en costard m'en à bel et bien demandé un, sur la fesse droite.
J'eus un léger rire simple, non moqueur, mais il faut dire que l'histoire donnée à réellement quelque chose de drôle. C'est donc ainsi et sans réellement demander mon reste que je me dirigeais vers le frigo pour me prendre une roteuse, la décapsulant tranquillement à main nues avant de me diriger vers mon établi, tranquillement, m'installant avant de le regarder à nouveau, comme en attendant sa réponse. Que voulait-il donc ? En tout les cas, tant que je n'aurais pas de réponse, je ne pourrais que rester là à le jauger tranquillement. Il me semblait en tout cas plutôt classique. Un homme assez fin, ayant pris un peu de poids mais juste ce qu'il faut. Démontrant qu'il demeurait un homme d'action plutôt que d'ordres. J'avais moi même sans nul doutes vu mes muscles de ramollir un peu depuis la vieille époque malgré mon entrainement quotidien, entre la bière et les bons repas... on ne peux pas tout avoir, n'est-ce pas? Il avait ceci dit un look plutôt soigné, des vêtements sans nul doutes d'une grande valeur et une allure se voulant habituée à être sous le feu des projecteurs. Typiquement le genre de gars que je n'avais jamais fréquenté. Non pas que je ne les respectais pas, chacun est différents et il faut des types comme lui pour éviter aux mecs comme moi de se retrouver sous des projecteurs qui ne les concernent en rien. Simplement que ce genre de milieu, ça laisse bien souvent des traces, de mauvaises traces, comme une fierté mal placée et un certain amour égocentrique de soi même. Ceci dit, cela n'avais pas particulièrement l'air d'être son cas. encore une fois, vous me direz, c'est une bonne question, je ne le connait pas. Seule demeure la curiosité. Que veux s'faire tatouer cet homme ? Pas une date de mariage, sans doutes, il as l'air d'avoir la patte trop légère pour ce genre de choses. Bah, nous verrons bien.
-J'dois cependant dire que je suis assez curieux de voir ce que vous allez me demander, pour le coup.
Franc jusqu'au bout, n'est-ce pas ? Bah... nous verrons bien.