Il est loin le temps de la quiétude où l’on entendait le doux chant de l’oisillon perché sur un toit. Place au remue-ménage et au fracas des meubles que l’on déplace. C’est dans la petite librairie du coin qu’une blondinette s’affaire dans le ménage de la boutique. Bail signé depuis moins d’une semaine, Eliana s’active afin d’ouvrir au plus vite cette jolie merveille.

C’est en flânant dans le quartier Riverside que la jeune femme était tombée nez-à-nez sur une petite boutique miteuse. La devanture était fracassée, l’intérieur détruit et tagué. Il était question de nombreuses heures passées à remettre tout en état, elles se comptaient en semaines ! Pourtant, Eliana s’était rendue à la Mairie, avait demandé les plans et après s’être assurée de la valeur de l’hypothèque, l’avait racheté une misère avec les maigres économies que son aîné lui envoyait. Forte de son passé, Eliana voulait aller de l’avant. Elle ne désirait qu’une seule chose : oublier. Et cette petite boutique dégarnie, abandonnée et détruite faisait écho dans son cœur. Tout comme elle, la librairie n’aspirait qu’à avancer.

S’époussetant les mains sur son short en jeans, la blondinette regarda le travail accompli. Les étagères étaient vides et propres, l’air embaumait une délicate odeur de jasmin tandis que les nombreux objets cassés se trouvaient empilés dans de grands cartons usés. Les rares fauteuils dépareillés et miteux avaient été poussés sur le trottoir d’en face. Un sourire naquit sur les lèvres de la jeune femme : il ne restait plus qu’à retirer le lino déchiré pour le remplacer par un parquet vieillit, arracher les tapisseries pour peindre les murs de charmantes couleurs et cirer l’escalier en colimaçon. Changer les lumières n’étaient qu’un détail qui ne prendrait qu’une petite heure dans son emploi du temps de ministre. En plus de la librairie à s’occuper, Eliana avait également ses cours à suivre et préparer l’arrivé de son frère et de sa sœur.

Ces derniers lui avaient écrit plus d’un mois de ça. La peur au ventre qu’il ne leur soit arrivé quelque chose, la blondinette se rassurait en se disant qu’il ne restait plus que cinq petits jours avant qu’ils ne la rejoignent enfin. Après leur fuite, ils s’étaient tous trois installés à Burlington avant de se séparer. Ça avait été Nathan à les quitter en premier. Il espérait trouver des indices sur leur véritable identité et était donc reparti chez eux – enfin, chez un de ses amis qui était au courant de l’histoire. Impatiente, Erylis l’avait rejoint. Eliana ne voulait plus rien déterrer. Elle avait déjà du mal à se définir qu’une révélation sur qui elle était réellement l’aurait perdue. Oublier, c’était tout ce qu’elle souhaitait. Faute d’informations nouvelles, ses deux frangins lui avaient annoncé leur arrivée définitive prochaine. Rien n’aurait pu la combler que cette merveilleuse nouvelle, aussi souhaitait-elle que tout soit parfait. La librairie en faisait partie…

Déplaçant un carton vers l’arrière-boutique, le clairon de la porte d’entrée sonna pour la première fois depuis qu’Eli avait repris en main la boutique. Le carton eut le temps de toucher le sol que la porte s’ouvrit et se referma une nouvelle fois, accompagné de son tintement. Etonnée, la jeune femme retourna à l’avant de la boutique, cherchant du regard la personne qui avait pénétré dans la librairie. Rien n’avait bougé, excepté la présence d’une enveloppe blanche mise en évidence sur le comptoir. Eliana s’en approcha. Son cœur ne fit qu’un bond en reconnaissant l’écriture de sa jumelle. Surprise de recevoir ce courrier, elle se rassura en prétendant que l’envoie avait dû être long. Après tout, ils devaient arriver dans cinq jours, alors pour quelles raisons lui enverraient-ils une lettre aussi tardivement ?

Lettre dans une main, couperet dans l’autre, Eli s’apprêtait à l’ouvrir avant que le tintement de la clochette en haut de la porte ne résonne et la tire de ce qu’elle s’apprêtait à faire.

« Tout le monde part un jour..» Cela résume bien la vie de ma famille. Entre Kyle, mon frère jumeau, qui s'est fait la malle à cause d'une gonzesse de seconde zone qui lui a brisé le cœur et mon grand frère, Spencer, qui a voulu faire sa vie ailleurs, il ne restait plus grand monde à la maison. La seule personne à qui je n'en voulais pas de partir, c'est bien mon père. Etant un militaire réputé, c'était, bien sûr, compréhensible qu'il devait souvent nous laisser pour partir, mais laissant ainsi seule avec mon petit frère. Autant dire que ce petit dernier de la fratrie me donne bien du fil à retordre. J'ai cessé de compter le nombre de fois où j'ai dû aller le rechercher au bureau du proviseur après qu'il se soit bagarré ou avoir été insolent envers un professeur. Heureusement pour nous, le proviseur me connaissait bien, étant une ancienne élève et il savait que ce n'était pas tous les jours facile à la maison. On peut donc facilement comprendre ma rancœur envers mes deux autres frères qui ont préféré prendre leurs jambes à leur cou et se barrer bien loin de ces emmerdes.

Mais voilà, depuis quelques jours que ces deux grands fugueurs sont revenus dans nos vies. Mon jumeau qui espère que je lui pardonnerais et le plus grand qui pense qu'il a encore du pouvoir sur moi…. Ils me font bien rire ! Cependant, ils doivent bien me connaître et savoir que j'ai la rancune tenace.

Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, j'ai décidé de partir pendant quelques heures loin de ma famille et d'aller voir un peu une de mes amies, Eliana, dont je tente de faire remonter à la surface. Je sais que trop bien ce que c'est que de toucher le fond et grâce à Spencer, j'ai su remonter la pente, j'espère donc bien pouvoir aider à mon tour une personne à remonter vers la surface. Cependant, la jeune femme me ressemble en bien des points, surtout du côté "tête de mule". Par contre, faut savoir, que je suis du genre très tenace et je suis prête à la suivre dans toutes ses conneries pour veiller à ce qu'il ne lui arrive rien.

Je me vêtis d'un jeans slim noir, de bottines beiges, d'un chemisier rouge caché par ma petite veste en cuir beige. Mes cheveux d'or sont détachés et tombent en cascade sur mes épaules. Une fois prête, j'embarque mon sac à main dans lequel se trouvent mon portable, mes clés et autres accessoires superflus ainsi que mon casque de moto avant de quitter la maison sans un mot à Kyle.

Je me dirige vers ma moto après avoir mis mon casque, sécurité avant tout non ? Puis, ça donne un look canon, je trouve.

Fin soit, après être grimpée dessus, je me dirige vers la petite libraire dont Eliana a eu le courage de remettre en état. Peut-être que cela l'aidera à moins déconner et à devenir plus responsable…. Je sortis donc de la base afin de me diriger au centre-ville et je finis par me garer non loin de la librairie.

Après avoir enlevé mon casque et avoir bien remis mes cheveux, je pénètre dans l'antre de ma p'tite blondinette. Pas besoin de me prononcer, le petit tintement de la porte le fait à ma place.

« Hey ma blondie ! Ca bosse dur à ce que je vois. Je te dérange pas j'espère. »

M'exclamais-je, le sourire aux lèvres, tout en refermant la porte derrière moi et en me dirigeant vers le comptoir où s'était posée Eliana. En me rapprochant d'elle, je vis qu'elle a une lettre à la main.

« Tu as reçu du courrier ? »

Demandais-je curieusement avant de lui faire la bise.

« Hey ma blondie ! Ça bosse dur à ce que je vois. Je te dérange pas j'espère. »

Roxy, dans une lancée fulgurante, venait de surprendre Eliana. Gestes interrompus, lettre en main, couperet dans l’autre, elle se trouva l’espace d’une seconde statufiée. Le temps repris son court et un sourire fendit les lèvres de la blondinette, heureuse d’avoir de la visite. Elle en oublia même ce qu’elle tenait entre ses mains. D’un pas assuré, casque en main, son amie la rejoignit rapidement, ne lui laissant pas le temps de l’accueillir.

« Tu as reçu du courrier ? »

Lui rendant la bise, Eliana put enfin répondre : « Oui, de mes frangins visiblement. » avança-t-elle tout en jetant un regard vers ledit courrier. Quelles nouvelles allait-elle lire ? Étaient-elles bonnes ? La jeune femme en doutait, et plus elle se questionnait, plus elle sentait son cœur se serrer dans sa poitrine. La peur se mêlait à la curiosité…

Sortant de ses pensées, elle releva les yeux vers son amie et lui demanda : « Qu’est-ce que tu fais là ? ». Après un court silence, Eliana se reprit : la blondinette ne désirait pas que Roxy prenne sa question pour une accusation. « Enfin, tu ne travailles pas aujourd’hui ? » Bien qu’Eliana n’était jamais allée voir Roxy à son boulot – d’ailleurs elle n’avait qu’une très vague idée de ce qu’elle faisait -, il était étonnant que son amie n’y soit pas alors que l’après-midi venait de débuter. Néanmoins, sa présence l’enchantait ! Cela faisait un petit moment que les deux femmes n’avaient pas eu de tête-à-tête. Eliana avait des tas de choses à lui dire, mais aussi à lui montrer et à lui demander : son avis comptait. Et puis, réellement, Eliana ne souhaitait pas découvrir son courrier maintenant. Elle avait peur du contenu et sentait que si elles restaient accoudées au comptoir, la blondinette allait s’effondrer, quémandant l’aide à son amie de lui dévoiler de quoi il en retourne.

Déposant l’enveloppe et la lame sur le comptoir d’une main tremblante, la blondinette se dirigea vers l’arrière-boutique, traînant avec elle Roxy.

« Regarde ce que j’ai fait ! »

Elle lui montra une pièce vide où seules restait les bibliothèques.

« Tu penses que cet endroit pourrait devenir un coin lecture ? Je ne sais pas si l’idée est excellente, puisqu’une librairie vend des livres, mais je me suis dit que si les gens venaient ici pour lire, ils repartiraient sûrement les mains pleines ? »

Elle questionna du regard son amie, attendant une réaction.



HJ : Roxy sait que son frère et sa soeur sont censés revenir en ville définitivement dans cinq jours ;)